Pablo Garcia

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Camille Tallent, avril 2016




Une faible mélodie d’un air populaire chanté pendant la guerre émane des oeuvres de Pablo Garcia. Ses oeuvres sont les témoins de lieux ou de paysages chargés d’une Histoire contée avec le lyrisme d’un hymne aphone. Rendu tangible par des moyens plastiques qui oscillent entre peinture, sculpture et installation, l’art de Pablo Garcia construit une narration qui prend ses racines dans l’extraction, la stratification, la réinterprétation ou la citation d’un territoire marqué par une archéologie de souvenirs. En puisant dans son histoire intime (Présumées Innocentes, YouTube Mixtape Vol.1) et dans des événements historiques (Desert Storm), il délivre une interprétation du réel qui se révèle avec une lenteur géologique.

Le paysage comme témoin de l’Histoire

À travers sa série de peintures murales Paysages d’événements, Pablo Garcia compose des dimensions nouvelles en s’appropriant des lieux modifiés par la guerre dont il fait ressortir la complexité. Le point d’ancrage de son travail provient de l’apprentissage physique du territoire : la découverte et l’expérience du paysage, dans une traque silencieuse et minutieuse de sa charge émotionnelle ou historique. Son interventionnisme topographique consiste en l’extraction de détails de paysage qu’il agrandit jusqu’à l’abstraction. Composées de recadrages de trous d’obus, d’éléments de végétation et d’autres débris de guerre, ses peintures ouvrent la perspective de proportions indéterminées.

Des échantillons de la guerre

Comme l’archéologue quadrille son terrain de fouille, Pablo Garcia extrait la matière du paysage dans un jeu d’échelle qui se joue des dimensions. La série de peintures Les cailloux ne rouillent pas et l’installation Doom-like distillent le paysage en un motif utopique. Avec cette installation, l’artiste imagine un espace confiné qu’il a tapissé de sérigraphies reprenant les gammes de textures de jeux vidéo de guerre. Il reproduit ainsi l’idée d’une nature archétypale dépouillée : une synthèse abstraite que l’on retrouve dans l’esthétique du camouflage.

Lente révélation des images

Pablo Garcia instaure une temporalité lancinante en (re)créant des images d’archives contemporaines où le paysage est un outil politique qui illustre l’Histoire. En écho avec l’idée de stratification – de la terre qui accumule le grain de l’Histoire dans une lenteur imperceptible – les images sérielles du dispositif Desert Storm s’enchaînent pour finalement offrir une vision stroboscopique du premier raid de bombardement américain sur Bagdad, relayé en direct par CNN. Ces images, si elles questionnent l’immédiateté de la restitution d’un événement, renvoient aussi au désir de l’artiste de transposer une temporalité dans une autre.

Si le travail de Pablo Garcia bâtit une narration du paysage comme événement, son abstraction – formelle et chromatique – participe au processus de décontextualisation. Un filtre poétique qui amoindrit la charge dramatique et macabre de l’Histoire qu’il incite à observer : un paradigme au coeur de l’oeuvre de Pablo Garcia qui propose ainsi de « relire le présent sous un autre angle. »